LE VENTRE DE SHAKESPEARE
Vies et Morts de Falstaff

en deux épisodes

adaptation et mise en scène Chantal Melior,
d’après HENRY IV — 1 et 2,
LES JOYEUSES COMMERES DE WINDSOR
et HENRY V,
de William Shakespeare

Représentations :
Château de Joux 25 et 26 juillet 2008 et
Au Théâtre du Voyageur
du 06 novembre au 21 décembre 2008 et
du 06 mars au 05 avril 2009
les 4 et 6 septembre 2009 au Châtreau d’Asnières


« Tu vois que j’ai plus de chair qu’un autre homme, il faut donc que je sois plus faillible encore. »
(Falstaff, Henry IV )

La fulgurante carrière de Sir John Falstaff, monument de graisse et d’intelligence, entamée dans les coulisses du pouvoir, de l’histoire et des hauts faits, s’achève dans la marginalité, la pauvreté et l’oubli.

Nous traverserons donc, en compagnie de Falstaff et du peuple de Shakespeare, quatre pièces et les remous d’une époque qui divague entre chevalerie et bourgeoisie, les intrigues politiques des grands féodaux qui s’entre-égorgent, les tours et les détours d’une humanité qui se bat pour sa persistance, les divertissements équivoques des bourgeoises de Windsor…

DEUX EPISODES

LA DOLCE VITA , épisode 1 - HENRY IV - 1ère & 2ème parties, HENRY V

Les Hauts faits

L’histoire d’Henry IV retrace avec le soulèvement des rebelles contre le Roi et leur échec, les rapports tendus entre le Prince héritier et son père, puis la mort de ce dernier, enfin le couronnement d’Henry V.
Après avoir mené joyeuse vie dans les tavernes, après avoir détroussé les marchands sur les grands chemins avec une bande de va-nu-pieds, le futur Henry V mûrira pour s’épanouir en roi raisonnable et vaillant.
Reprenant ainsi le conflit de l’ordre et du désordre et l’étude de la figure idéale du roi, Shakespeare amplifie la tragédie par l’omniprésence bouffonne de figures populaires dont Falstaff est le héros. Ainsi, la morale de l’histoire peut être assez venimeuse. Il apparaît que la compagnie de Falstaff et des coupeurs de bourses est une meilleure école de royauté que le carnage féodal.

Un bouffon royal

Tout près du palais royal, se dresse la taverne de la Hure et là, Falstaff est roi. Les plus hauts personnages sont mis à la portée de ce bouffon qui fréquente essentiellement la pègre et qui tente de s’assurer, avec l’amitié du Prince, un avenir à l’abri du besoin. Mais si ce gros marginal vit dans la hantise de l’exclusion et de la misère en avouant qu’il préfèrerait le rôle de bourreau à celui de pendu, il est aussi de taille à imposer l’impression de liberté et d’anarchie qui traverse ces scènes épiques.

La fête des mots

En ces périodes troublées, le langage est une arme et les pirouettes oratoires sont des leçons de « savoir-survivre », le plus humble des personnages sait éblouir par la virtuosité d’un parler inventif regorgeant de surprises. Quant à Falstaff, il est la démonstration vivante de la force des mots, de l’humour et de la pensée.

Les affirmations de la vie

Ici, les plus gros mensonges et autres sottises servent une vérité qui consacre la victoire de la joie sur la tristesse, car Falstaff assure avec sa sauvegarde, un climat de jovialité où s’affirme l’amour de la vie : une vie joyeuse, dangereuse, vivante, sans mesure.

Après sa mort, le monde ne peut sembler que plus pauvre, plus pâle, plus incolore.

Mais il y a le deuxième épisode.

LA DECADENCE , épisode 2 - HENRY IV 2ème partie, LES JOYEUSES COMMERES DE WINDSOR.

C’est une autre vie du Ventre de Shakespeare qui recommence. Falstaff n’est plus mort. Cette fois, il ne mourra pas de chagrin. En tant que personnage de théâtre, il revient quand il veut et pour nous faire rire.
Mais voilà, il devra revivre, comme un éternel retour, l’épisode douloureux de son bannissement, avant de poursuivre son existence irrémédiablement précaire à l’ombre des Joyeuses Commères de Windsor.

«Je consens qu’on prenne ma cervelle, qu’on la fasse cuire au beurre et qu’on la donne à un chien pour ses étrennes. » (Falstaff, Les Joyeuses Commères de Windsor)

Ainsi des tragi-comédies les plus sereines de Shakespeare, aux Joyeuses Commères de Windsor, farce des plus déliquescentes, nous dégringolons de la chevalerie à la bourgeoisie, des visions cosmiques aux questions domestiques.

C’est de la décadence, c’est de la farce. La cruauté s’y ressent de manière tangible, comme dans la vie réelle. Les esprits et les corps ramollissent, se flétrissent, s’alourdissent. La chair est faible. Le niveau baisse. Les plaisanteries, les intrigues, les espoirs, les rêves, tout cela rétrécit, sauf parfois le style et la musique...

Cette farce tragique et détaillée parfois comme un documentaire, retrace l’inexorable descente de l’être qui, arrivé à maturité, brûle avec frénésie ses dernières cartouches … « pour l’éternité d’un instant. » (Madame Dugué, Les Joyeuses Commères de Windsor)

NOTES DE MISE EN SCENE
SHAKESPEARE OU LA VOLONTE DE JOIE
Il n’y a pas de coupure entre la personne et le cosmos,
pas de séparation entre l’individu et la société…

Le Ventre de Falstaff est une mappemonde. Il porte en lui la vie multiple, celle des bas quartiers d’Eastchip comme celle des aristocrates solennels du palais royal, engloutissant les pensées, les savoirs, les angoisses, les espoirs, les délires de son temps, pour les refluer en bouffonneries, rires et mensonges, ou encore en taverne, champ de bataille, radeau de la Méduse sur la vaste mer, arène, ring où sont encaissés les coups jusqu’au K-O.
Les espaces se succèdent comme dans un mystère du moyen-âge ; les personnages cheminent entre les décors ; l’existence est saisie par séquences d’une grande intensité qui nous amènent jusqu’au néo-réalisme italien, où les plus humbles sont eux-aussi appelés à la grandeur par le tragique…

La joie

Falstaff et ses compagnons forment une sorte de communauté de la vie. Ces êtres minoritaires, des affreux, sales mais pas méchants, regardent toujours du côté de la vie : ambiances de carnaval et rires édentés, alliance du tragique et du comique. Ils ne se plaignent pas, ne se lamentent pas sur eux-mêmes. Ce ne sont pas des personnages dramatiques mais des personnages tragiques qui conjurent leur souffrance par l’ivresse et une franche gaieté paillarde. Ici il ne s’agit pas de se lamenter sur soi-même mais plutôt de se griser dans des postures délirantes pour que la joie se propage comme une trainée de poudre. Cette horde enivrée semble sortir du ventre de Falstaff.
Musiques baroques et musiques de variété font écho à ces débordements de vie, en sorte que, comme le chante Serge Gainsbourg : « La beauté cachée des laids, des laids, se voit sans délai, délai…»

Devenir élisabéthain

En nous introduisant avec précision et authenticité dans la vie de son temps, Shakespeare semble faire du public d’aujourd’hui, un public élisabéthain, joyeux et tumultueux, un public qui trouve en Falstaff un complice. Nous pourrions même dire que l’Homme se reconnait naturellement en Falstaff, même si sa vie le rapproche plus du bourgeois de Windsor : il est plus charmé par Falstaff que par lui-même.

Falstaff

C’est parce qu’il assiste à l’émergence des valeurs bourgeoises, que Shakespeare, dans les Joyeuses Commères de Windsor, a cette intuition de déplacer le cadre du théâtre de la tragédie au boulevard. Il pressent déjà que les valeurs chevaleresques vont succomber aux nouvelles valeurs mercantiles et bourgeoises qui appesantissent l’esprit.
Là, Falstaff, comme Dom Quichotte, évolue dans un monde qu’il ne comprend plus. Lui, qui paraissait si moderne face au chevalier Hotspur, devient passé de mode. Les mots si chers à Falstaff n’ont plus le dernier mot. C’est sa mise à mort et la fin du carnaval. Plus d’entre-deux , chacun chez soi, les bourgeois ne veulent plus devenir aristocrates… C’est la Décadence.

Le Théâtre du Voyageur bénéficie du soutien de la ville d’Asnières, du conseil général des Hauts-de-Seine
et de l’Adami.

direction musicale Carol Lipkind — piano Carol Lipkind et Florian Pellissier chorégraphie Ariane Lacquement — lumières Michel Chauvot — décors Marine Porque - avec Sandrine Baumajs, Véronique Blasek, Arnaud Cottereau, Gautier Gaye, Ariane Lacquement, Carol Lipkind, François Louis, Mathieu Mottet, Siva Nagapattinam Kasi, Florian Pellissier, Tom Sandrin.

extraits video ( représentation au château de Joux 2008 )-->ICI

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